Sous la direction de l’historien de l’art Yves-Michel Bernard, paraît le premier ouvrage de la collection “Patrimoine de La Réunion du XX° siècle” aux Éditions Terla. Il est consacré à un projet phare de Jean Bossu, pionnier de l’architecture moderne à La Réunion.

Docteur en histoire de l’art, Yves-Michel Bernard est un amoureux du béton. Il le revendique, d’ailleurs il dispense un cours d’histoire de l’architecture réunionnaise du 20ème siècle à l’école d’architecture. “Sauf que quand j’ai commencé à me documenter pour mon cours, il n’y avait rien” explique l’enseignant. Michel Marot qui a construit l’église du Chaudron, fait le plan d’urbanisme du campus ou le schéma directeur de la ville du Port ? Rien sur lui. Fabien Vienne, précurseur des cases Tomi et du système de cases modulaire ? Rien. Jean Bossu dont on recense près de 300 projets à La Réunion ? Pas grand-chose. “Puisqu’il n’y avait pas de livres ou documents de références disponibles, petit à petit, l’idée a germé que les cours deviennent des petits ouvrages.” Des ouvrages collectifs dans lesquels ses collègues enseignants de l’école d’architecture seraient impliqués.

L’homme aux 300 projets à La Réunion

Pour le premier livre, Yves-Michel Bernard choisit naturellement Jean Bossu de jeter un coup de projecteur sur une œuvre phare d’un architecte phare, en l’occurrence Jean Bossu: le siège de la direction de l’agriculture et de la forêt à Saint-Denis. “Nous voulions commencer par un bâtiment connu et exemplaire” indique Yves-Michel Bernard. “ En plus, ce bâtiment s’apprêtait à être réhabilité par Olivier Brabant qui enseigne aussi à l’école.”

Pour Yves-Michel Bernard, promouvoir l’œuvre de Jean Bossu à La Réunion, auteur de près de 300 projets sur l’île, est une évidence. Dans l’œuvre de l’architecte, il s’agit de la production quantitativement la plus importante. “Paradoxalement, cet énorme travail a été presque complètement occulté: à une ou deux exception près, l’architecte n’a pas cherché à valoriser ces bâtiments alors qu’il ne manquait pas une occasion de publier ses autres projets dans les revues d’architecture.”

“L’architecture, ce n’est pas une affaire d’objets solitaires, d’héroïsme, de subjectivité. Il s’agit pour nous d’inventer une modernité qui soit fondée sur de nouveaux mélanges, de nouvelles façons de croiser les choses.” Jean Bossu

Sur Saint-Denis note Alain Borie, qui participe également à la rédaction de l’ouvrage, “l’architecture de Jean Bossu a beaucoup marqué le paysage urbain du centre-ville et a grandement contribué à le constituer.” Citons entre autres la Maison de l’agriculture, la Caisse générale de la Sécurité sociale, l’Hôtel des Postes ou encore l’immeuble Ravate.

Mais le siège de la Daaf reste l’un de ses chefs d’œuvre. Juché sur une pente douce, cet ensemble administratif posé avec légèreté au cœur du parc de la Providence, sans en défigurer le paysage, préserve l’intimité des occupants, tout en proposant une large vue en perspective sur la nature environnante. “Contrairement aux autres immeubles dionysiens note Yves-Michel Bernard, les bureaux de l’administration de la Daaf ont été conçus à l’échelle humaine, éclairés par des percées de lumière aujourd’hui traversantes. “Par sa prise en compte , en avance sur son temps.”

 

Olivier Brabant décrypte sa démarche de “réhab”

L’ouvrage présente également la démarche de réhabilitation menée par Olivier Brabant. Celui-ci ne cache pas la fierté et le plaisir de s’être vu confier un tel édifice. “Travailler sur un bâtiment de Jean Bossu c’est comme travailler sur un bâtiment de Le Corbusier. Il n’a pas terrassé, il est venu se poser sur des lignes, un peu de pente, son implantation est très intelligente, contemporaine, pas moderne” note Olivier Brabant qui a respecté au plus près le travail de son prédécesseur,  laissant même les traces “archéologiques” des emprises de murs au sol.  La modularité des espaces et leur adaptation aux évolutions inévitables du fonctionnement a été au centre des préoccupations de l’architecte de la réhabilitation. Le thème central du projet est basé sur la satisfaction simultanée d’une triple «durabilité»: durabilité économique, durabilité sociale et durabilité environnementale. Il est à noter que l’ouvrage sur la Daaf est magnifiquement illustré par les photos de François-Louis Athénas, Jérôme Balleydier et Hervé Douris.

Yves-Michel Bernard ne compte évidemment pas s’arrêter en si bon chemin. D’autant que les trésors méconnus de l’architecture du XXe siècle ne manquent pas dans notre île, l’historien d’art citant par exemple la piscine du Barachois, la chapelle de l’Apéca au 23° kilomètre (Le Tampon) ou encore la chapelle du couvent des sœurs de Cluny à La Montagne.

Jean Bossu

La Daaf / Jean Bossu
Collection “Patrimoine de La Réunion du XXe siècle”. Éditions Terla
Disponible dans les librairies Gérard et Autrement.

L’agence Jean Bossu à Saint-Denis a notamment dessiné:

Chambre d’agriculture
rue du Général de Gaulle, 1949-1956

Caisse générale de la Sécurité sociale
rue du Général de Gaulle, 1950-58

Hôtel des Postes
rue Maréchal Leclerc, 1962-68

Immeuble Ravate
rue du Maréchal Leclerc, 1951-52

Plus sur www.saintdenis.re