Wladimir Frizel nous a quitté un beau matin de janvier 2013. Les architectes qui n’ont que quelques années de pratiques dans l’île n’ont probablement pas rencontré notre confrère qui avait pris du recul depuis longtemps par rapport à la vie publique locale. Si ces quelques lignes sont écrites aujourd’hui, c’est pour se souvenir de l’homme qu’il était et pour éviter de réduire toute la richesse de sa vie et de son exemple aux fougères arborescentes de l’aérogare de Gillot.
Enfant du siècle depuis 1922, apatride de la Société des Nations, il a traversé les frontières de son enfance de Russie en Bulgarie, celles de son adolescence entre les pays du Moyen Orient, pour s’arrêter à Madagascar, le temps de mettre en pratique l’enseignement d’ingénieur et d’architecte qu’il avait reçu à Beyrouth. Cette fois-ci, il ne lui a fallu qu’un petit saut pour créer une nouvelle agence à La Réunion, à l’époque où les architectes se comptaient sur les doigts d’une main.
De ce parcours bien singulier aux multiples attaches, il a gardé le goût d’aller plus loin pour voir ailleurs. Délaissant parfois la terre ferme, il partait sur son voilier pour sillonner l’océan Indien dans toutes les directions, faisant de l’île Sainte-Marie (Madagascar) et de La Réunion ses dernières étapes.
Amoureux de la vie, il gardait tout le temps au fond de lui une certaine nostalgie slave, faite de sensibilité et d’affection, d’accueil et de sourire au coin de l’oeil.
Homme au caractère très fort, il n’avait pas de temps à perdre avec les imbéciles, et nous l’avons quelques fois appris à nos dépends. Les nombreux confrères qui ont été formés dans son agence ne le démentiront pas !
Mais, s’il fallait décrire en quelques mots notre confrère pour que chacun s’en souvienne longtemps, il suffirait d’une phrase: c’était quelqu’un dont on ne pouvait pas résister au charme, qu’on soit homme ou femme.
A son fils Alexandre, à sa fille Ludmilla et son mari Jean-Jacques Quentin, nous exprimons aujourd’hui tout notre soutien confraternel.
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Étienne Charritat