Caroline Renard vient tout juste de prêter serment lors de l’assemblée générale du Croar le 6 juin 2014. Cette jeune architecte réunionnaise est l’une des premières de l’île à obtenir le titre HMONP, qui remplace le titre d’architecte DPLG.

Caroline Renard vient tout juste de s’inscrire au tableau de l’ordre des architectes de La Réunion. Elle est l’une des deux premières diplômée HMONP
Caroline Renard vient tout juste de s’inscrire au tableau de l’ordre des architectes de La Réunion. Elle est l’une des deux premières diplômée HMONP

Caroline Renard, vous êtes l’une des deux premières architectes HMONP de La Réunion, ça veut dire quoi ?
C’est une qualification qui est obligatoire pour pouvoir signer des permis de construire et exercer en libéral. Il s’agit d’une année de formation en alternance que l’on doit faire après l’obtention du diplôme d’Etat d’architecte.

On s’aperçoit finalement qu’assez peu de jeunes architectes diplômés d’Etat sur l’île ont pour l’instant passé cette qualification…
Ce n’est pas forcément simple depuis La Réunion. Quand on est à 10 000 km de l’école qui propose la formation, c’est plus compliqué. Il vaut mieux avoir un peu d’économie de côté. Même si on se débrouille après sur place en se logeant chez des copains de promo, il y a les billets d’avion. La formation s’étale dans l’année sur six semaines de formation théoriques, sans compter l’oral de soutenance. Heureusement pour moi, comme je pouvais justifier d’une expérience professionnelle post diplôme de plus de trois ans, j’ai pu passer mon habilitation via une validation des acquis et de l’expérience (VAE). J’ai ainsi pu valider plusieurs modules. Sinon, je pense que je n’aurai pas postulé à la formation…

Est-ce à dire que cette nouvelle formation n’est pas adaptée ?
Non, pas du tout. C’est juste l’éloignement qui pose problème. Car le programme de cours est plutôt intéressant. Il nous prépare à affronter la réalité du monde professionnel. On y trouve des cours sur la comptabilité, le droit du travail, les obligations sociales, les phases administratives… On n’est pas forcément armé pour ça quand on sort avec notre diplôme d’Etat.

Faudrait-il préparer davantage à ces « réalités » pendant les études d’architectes ?
Non. D’ailleurs, je trouve que cette formation à la maîtrise d’œuvre en nom propre a été d’autant plus profitable pour moi que je l’ai faite après avoir déjà eu une première expérience professionnelle.

Cette expérience, vous l’avez faite dans des agences à la Réunion ?
Pendant plus de trois ans, j’ai travaillé comme salariée dans plusieurs agences : à l’agence Delcourt puis chez les Architectes de l’Eperon. Je trouve que c’est essentiel pour un jeune architecte de se faire une expérience en agence avant de s’installer en libéral.

Qu’est-ce qu’on apprend en travaillant dans une agence d’architecte?
J’ai envie de dire : tout. Le respect d’un cahier des charges, la relation avec le maître d’ouvrage, le dépôt d’un permis de construire, les pièces administratives, la réglementation, le chantier… A l’école d’archi, on parle bien sûr d’accessibilité, de réglementation mais on reste concentré sur l’aspect créatif, la conception. Attention, ce n’est pas du tout un reproche. Cette phase d’apprentissage est essentielle. Après, on a tout le temps d’être contraint par la réglementation.

Justement, est-ce que vos rêves de jeune architecte ont été douchés par ces premières années d’expérience et les contraintes réglementaires et administratives qui en découlent ?
Il n’y a pas de désillusion. Je n’ai jamais été la plus farfelue de ma promo. Finalement, ça me plaît d’essayer de dégager une qualité architecturale de toutes ces contraintes. Il y a moyen de s’éclater quand même !

Quels sont les architectes qui vous inspirent ?
Je vais être peut-être basique et pas très originale en vous citant le nom de l’architecte australien Glenn Murcutt, un architecte pionnier dans le domaine des constructions écologiques, notamment en milieu tropical. Mon père a été directeur de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) à La Réunion pendant dix ans et ça m’a forcément marqué et influencé. Et puis, je suis née ici à La Réunion et tout ce qui concerne la réflexion sur les « espaces extérieures » me passionne.

L’architecte australien Glenn Murcutt continue d’inspirer les jeunes architectes réunionnais.
L’architecte australien Glenn Murcutt continue d’inspirer les jeunes architectes réunionnais.

Par où commencer quand on se lance en libéral, par le marché de la construction individuelle ? En répondant aux appels d’offres ?
Pour l’instant je fais un peu de sous-traitance. Je n’ai pas encore pris le temps de faire une carte de visite… Mais je n’ai pas de préférences ni barrières. Le marché de la construction individuelle, bien sûr que ça me plaît. Tout est bon à prendre, même les extensions…

Se lancer en libéral dans une île où il y a déjà plus de 300 architectes libéraux, ce n’est pas un peu suicidaire ?
On me dit ce n’est pas le meilleur moment. Mais je pense qu’il n’y a jamais de meilleur moment. Alors, je fonce, tête baissée, avec mon enthousiasme et on verra bien !


Entretien : Laurent Bouvier

 

Une formation en 2015 à La Réunion ?

«On se donne un an pour réussir» explique Pierre Rosier le directeur de l’école d’architecture de La Réunion.
«On se donne un an pour réussir» explique Pierre Rosier le directeur de l’école d’architecture de La Réunion.

Conscient de la difficulté pour un jeune architecte diplômé d’Etat à La Réunion d’aller passer son habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre à plus de 10 000 km,  l’école d’architecture du Port envisage de proposer la formation en son sein. « Il est clair que la distance est un frein pour les jeunes architectes diplômés de l’île qui veulent passer leur habilitation » explique Pierre Rosier, le directeur de l’école d’architecture de La Réunion, antenne de l’école de Montpellier. C’est pourquoi, l’école étudie la possibilité d’ouvrir cette formation sur l’île.  Si la volonté est là, les financements sont encore à trouver. «Nous sommes en train de recenser les enseignants qui seraient susceptibles d’assurer le programme de formation. Ensuite, il faut établir un budget et faire les demandes de subvention. On se donne un an» conclue Pierre Rosier qui a bon espoir d’ouvrir la formation en 2015-2016.

 

HMONP, mode d’emploi 

Le dernier diplôme d’architecte DPLG a été décerné en décembre 2007. Le droit d’exercer est aujourd’hui conditionné par l’obtention d’une licence d’exercice appelée aussi « Habilitation à l’exercice de la maîtrise d’œuvre en son nom propre » (HMONP) (3è cycle professionnel). Pour postuler, les candidats doivent être titulaires du diplôme d’architecte DE (Diplômé d’État) obtenu à l’issue des cinq années du cursus universitaire. Le titre permet d’exercer le métier d’architecte comme salarié d’une agence ou comme fonctionnaire. L’habilitation HMONP est désormais nécessaire pour s’inscrire au Tableau de l’Ordre et exercer en libéral ou en société d’architecture.

L’habilitation à la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONP) est une formation initiale qui permet d’obtenir une qualification professionnelle reconnue par la branche des entreprises d’architecture. La formation se compose de 150 heures de formation théorique en école d’architecture et nécessite une mise en situation professionnelle d’au minimum 6 mois au sein d’une agence d’architecture.

Le contrat de travail admis par les écoles d’architecture pour la mise en situation professionnelle est un contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI).

Cette formation est proposée en formation initiale ou en formation continue.

Dans le cadre de la formation continue, une entreprise d’architecture peut souhaiter qualifier un salarié, pour mieux répondre aux besoins de ses activités et le fidéliser dans l’emploi. L’entreprise peut lui proposer ainsi de suivre la formation menant à la HMONP.

En formation continue, l’entreprise s’engage à prendre en charge le coût de la formation et le temps passé en formation théorique par le salarié est considéré comme du temps de travail. En contrepartie, il est possible d’obtenir une prise en charge financière par l’OPCA‐PL en fonction du type de contrat de travail et du dispositif choisi (période de professionnalisation, plan de formation, contrat de professionnalisation).
Des aides publiques existent pour accompagner les entreprises qui embauchent. Si ces aides peuvent faciliter la décision d’embauche, elles ne couvrent jamais totalement les dépenses engagées par l’entreprise. Aussi, l’entreprise accueillant l’architecte diplômé d’Etat (ADE) doit‐elle s’assurer du montant des aides publiques possibles avant de déterminer la rémunération proposée au candidat HMONP afin de ne pas être pénalisée financièrement.