De son parcours passionné et atypique, il en a tiré une spécialité dans l’architecture virtuelle. Cela fait quatre années qu’il travaille sur son bébé: LA REUNION VIRTUELLE, un site innovant qui a pour but de modéliser la Réunion dans toutes ses dimensions. Richard voit l’architecture autrement, à cheval entre deux mondes et après 2 heures de discussion avec lui, je me suis dit:
Le parcours initiatique
Richard, quand je t’ai connu tu partais avec Erasmus en Grèce et ensuite tu es allé construire des cabanes en bambou au Costa Rica. C’est pas très “virtuel” comme destination!
En Grèce, j’ai “fais mes humanités”, si tu veux. Mais Erasmus ça m’a permis de prendre un premier contact avec l’international. Après je suis revenu sur Montpellier pour passer mon diplôme, mais là j’en ai “chier” parce que j’avais un diplôme un peu trop nouveau et le prof n’a pas accepté que je le présente. Je l’ai alors envoyé sur des forums et j’ai obtenu des entrevues avec des agences à New York et en Hollande. C’est comme ça que j’ai bossé chez Oosterhuis à Rotterdam et que j’ai eu la chance de travailler pour la biennale de Venise de 2000. Du coup, mon diplôme a été accepté avec les félicitations du jury à l’unanimité!
Alors, pourquoi Montpellier, pourquoi La Réunion ?
Quand j’ai commencé mes études, je voulais juste devenir architecte. C’est après que je me suis passionné. Le fait de parler anglais m’a connecté avec le monde entier et notamment sur la pensée contemporaine en architecture. C’est aussi de là que j’ai trouvé le “paperless studio”, créé par Bernard Tshumi, à l’université de Columbia, où les architectes travaillent sur les mondes virtuels. D’une part ça a interpellé mon goût pour l’informatique en architecture et d’autre part j’ai compris que c’était un truc d’avenir. Et c’est à ce moment là que j’ai découvert ma vocation.
Mais pourquoi ne pas être resté à Rotterdam, par exemple ?
Rotterdam, c’est un peu dur pour un réunionnais !!! Mais après Rotterdam j’ai décidé d’aller faire mes classes dans le domaine de l’art numérique et de l’art contemporain. Je suis donc allé faire un post-graduate à Barcelone sur les villes numériques. A ce moment là j’avais commencé ma dissidence de l’architecture, parce qu’il y avait une véritable résistance à la virtualité. Là, j’ai décidé d’appliquer mon métier d’architecte des espaces virtuels au domaine de la musique. J’ai monté le “su-Studio” avec 3 autres architectes, 2 musiciens et des graphistes. Notre travail a été présenté au festival SONAR de Barcelone et au MIT. Rentrer dans le monde de l’art a été pour moi une libération car tu n’es plus dans un monde de contrainte. Ma seule contrainte était la musique, je travaillais sur des espaces émotionnels. Kerouac a dit “les chemins de la sagesse passent par l’excès”, Barcelone fut ma période d’excès. Ensuite je suis rentré à la Réunion pour revenir sur terre et aussi parce que finalement c’est le seul endroit sur Terre que je considère comme chez moi.
C’est un parcours atypique….
Je pense avoir fait un chemin initiatique d’architecte. Faire ses classes dans l’art permet de se libérer et de changer de point de vue. Et puis techniquement ça m’a permis de travailler ma matière comme je le voulais.
Et maintenant ?
Je suis rentré dans la phase opérationnelle. Même si le parcours initiatique n’est pas censé s’arrêter un jour. Mais aujourd’hui je suis passé à la production.
LA REUNION VIRTUELLLE
LA REUNION VIRTUELLE est le fruit de ce parcours ?
Bien sur. C’est le fruit de l’association avec un ami et avec toutes nos connaissances nous avons eu l’idée de ce site.
Et là on est vraiment dans le concret.
LA REUNION VIRTUELLE est un “monde miroir”, c’est-à-dire qu’il représente le monde qu’on connaît. C’est un site pour rendre des services, et tous ces services mutualisés donneront une image de la Réunion. En fait c’est la création d’un modèle qui permettra de comprendre et d’appréhender des phénomènes réels. Sur ce site on pourra aussi bien choisir une balade en vélo, qu’implanter de nouveaux bâtiments ou simuler des projets d’urbanisme. C’est un outil d’aide à la décision et de communication.
Mais le virtuel est-il le bienvenu, à la Réunion ? Sens-tu de la résistance ou au contraire de l’intérêt?
On a créé une association : “REUNION TECHNOLOGY GROUP” qui réunit des personnes très motivées parmi les gens les plus innovants à la Réunion, comme des chercheurs, des ingénieurs, des entrepreneurs parce qu’on avait besoin de se regrouper. Tous, nous avons l’ambition de créer des choses à l’international et pas de répéter le modèle métropolitain. La Réunion ne doit pas être à la suite de la métropole, je pense qu’il faut aller plus loin. Y’a pas de raison d’être à la remorque d’un pays qui est lui-même à la remorque du reste du monde, dans ce domaine.
Tu dis que ta passion, c’est l’avenir. Alors, pour toi, l’avenir de l’architecture sera dans le virtuel ?
Pour moi, l’avenir de l’architecte ne sera pas dans sa capacité à répondre aux contraintes, mais plutôt dans le sens qu’il va donner à son ouvrage. C’est en cela qu’il doit être un auteur. Et pour être un auteur il faut avoir fait un chemin de vie, qu’on va placer dans son œuvre, quelle qu’elle soit.
LE DISSIDENT
Ce coté que t’as de “défoncer les portes”, tu le cultives ou est ce naturel ?
C’est pas pour le plaisir de “défoncer les portes” mais comme je te l’ai déjà dit, ce qui m’intéresse c’est l’avenir, notamment les technologies et l’impact que ça a sur les sociétés, l’architecture…..Donc ça ne m’intéresse pas du tout de refaire ce qui a déjà été fait 40 fois. Je n’avais pas envie de faire, comme on me l’a demandé, “une démarche à la Corbu” pour mon diplôme, alors que pour moi l’avenir c’était les mondes virtuels. Mon intérêt c’est d’être connecté avec mon temps.
Justement tu n’as pas l’impression d’être un peu en avance?
Non, pas à l’international.
Tu dois aussi apparaître comme un dissident au sein de ta famille !
Un peu, mon père est mécanicien. Gamin, j’adorais “apostrophe”, je trouvais ça génial, sauf que dans ma famille personne ne le regardait. Mes lectures m’ont permis de construire ma propre vision des choses et effectivement c’était une sorte de distance avec mon entourage.
Tu le ressens comme un choix ou comme une évidence qui s’est imposée à toi?
Le chemin s’impose en quelque sorte à toi. La passion te donne l’énergie pour aller dans une certaine direction. Mais les circonstances font le reste.
Tu as beaucoup d’énergie, mais si on considère l’argent comme un flux, une énergie, on a l’impression, en t’écoutant, qu’elle a modifié ton parcours.
J’ai connu ces milieux où on se préoccupe plus d’être innovant et original que de gagner sa croute. J’ai l’impression d’avoir autant voyagé socialement que géographiquement et que cela est une expérience très enrichissante. Maintenant cela me donne envie de faire bouger la Réunion. Quand je suis rentré, je suis tout de suite allé bosser en agence, mais c’est le jeu vidéo qui m’a rattrapé.
Et travailler en agence, c’était avec plaisir?…
C’était avec beaucoup d’intérêt, parce que malgré tout, revenir à l’architecture “réelle” de temps en temps, nourrit mon travail d’architecte virtuel. La pratique d’architecture au quotidien est un très bon exercice pour cultiver le métier et me rappeler que je suis avant tout un architecte.